Le poisson Napoléon, empereur des récifs coralliens

par Anthony LEYDET... Plongeur bio
Published: Last Updated on 6 commentaires
Le poisson Napoleon

Quand on est un plongeur bio, tout est prétexte à parler des récifs coralliens. Le sujet semble infini, il l’est presque d’ailleurs. Et j’ai beau être profondément attaché à la Méditerranée, je ne rechigne bien entendu jamais à un séjour sous les latitudes tropicales. Cette profusion de vie propre aux récifs coralliens m’impressionne toujours. Et particulièrement la diversité de poissons que l’on y rencontre et qui rappelle à quel point la Nature est ingénieuse ! Parmi eux, il en est un qui fait sensation lors des rencontres avec les plongeurs. Le poisson napoléon Cheilinus undulatus est certainement un des plus beaux et des plus sympathiques poissons des mers chaudes. Il n’en est pas moins menacé…

Le poisson Napoléon, empereur parmi les labres

Avec son allure pataude, sa taille imposante et son regard curieux, son air de famille ne saute pas aux yeux. Pourtant, à bien y regarder, les signes ne trompent pas, et c’est bien de la famille des Labres (les Labridae) dont le poisson Napoléon est un représentant. On peut d’ailleurs l’observer de temps à autres, étirant vers l’avant sa bouche protractile, caractéristique principale des labres. Et c’est aussi l’espèce la plus grande de cette famille des plus diversifiées, avec plus de 500 espèces différentes !

Une durée de vie exceptionnelle

Le poisson Napoléon fait partie des rares espèces, si l’on prend la totalité des espèces connues, à avoir une durée de vie très longue. L’espérance de vie moyenne de l’espèce se situe entre 25 et 30 ans. Mais il a déjà été reporté que certains individus aient vécu plus d’un demi-siècle !

Dimorphisme sexuel

Ce qui fait la réputation du Napoléon, c’est cette bosse bien visible qu’il porte au-dessus des yeux, au niveau du front. C’est bien entendu cette protubérance qui lui vaut de porter son nom, rappelant le bicorne de l’Empereur. Mais tous les individus de l’espèce ne la possède pas, car elle est présente uniquement chez les mâles ! Ce dimorphisme sexuel s’accentue alors que le poisson vieillit.

Un poisson Napoléon mâle en Mer Rouge

Un poisson Napoléon mâle en Mer Rouge

Maturité sexuelle et reproduction du poisson napoléon

Comme beaucoup d’espèces de la famille des Labridés, Cheilinus undulatus est un poisson hermaphrodite, c’est à dire que celui-ci change de sexe au cours de sa vie. Il commence sa vie en tant que femelle. Celle-ci atteindra sa maturité sexuelle lorsque sa taille avoisinera environ 50cm, vers l’âge de sept ans. Ce n’est que vers l’âge de quinze ans que le changement de sexe aura lieu. Le poisson mesurera alors plus d’un mètre de long. Les femelles peuvent pondre plusieurs mois dans l’année, voire même toute l’année.

Une femelle (bientôt un mâle ?) photographiée dans le sud de l'Egypte

Une femelle photographiée dans le sud de l’Egypte

Un habitant des mers chaudes

Le Napoléon est un poisson que l’on rencontre dans les eaux tropicales. Son aire de répartition est immense. Elle s’étend de la Mer Rouge, jusqu’en Polynésie Française. Elle descend jusqu’à Madagascar dans l’Océan Indien, remonte au niveau des Maldives, puis est délimitée par le nord de l’Australie. La partie nord de son aire de répartition se trouve alors au niveau du Japon. Elle englobe ainsi toute la zone Indo-Pacifique. Il est totalement absent des zones tropicales de l’Atlantique.

Poisson Napoléon, un prédateur de la couronne d’épines

A l’image de beaucoup de labres, le Napoléon a un régime alimentaire assez varié. Il se nourrit en effet de mollusques, de crustacés, et d’échinodermes comme des étoiles de mer ou des oursins. Mais sa grande particularité est d’être l’un des rares prédateurs connus de la couronne d’épines, l’étoile de mer Acanthaster planci, espèce invasive qui peut faire des ravages dans les récifs coralliens. Il a donc un rôle primordial dans l’écosystème corallien.

Napoléon en compagnie d'une carangue blessée

Napoléon en compagnie d’une carangue blessée

Une espèce (de plus) en Danger !

De nombreuses menaces pèsent sur Cheilinus undulatus, comme la pollution ou la mauvaise santé des récifs coralliens. Mais c’est essentiellement la surpêche qui a conduit l’IUCN à intégrer le Napoléon sur sa liste rouge des espèces menacées, avec le statut d' »espèce en danger ». En effet, il est admis que partout où l’espèce est présente, les populations ont diminué d’au moins 50% au cours des dernières décennies. Pire, elle aurait quasiment disparue des fonds de certains pays comme les Fidji, ou l’île de Sabah à Bornéo… Ces poissons sont généralement pêchés pour la consommation en Chine et à Hong-Kong où le kilo dépassent  les 100$ ! De plus, en raison de son mode de reproduction et du fait qu’il faille des années avant qu’un Napoléon soit sexuellement mature, les populations ne peuvent pas se renouveler face à l’importance du prélèvement.

Ne lui donnez pas d’œuf dur !

L’idée semble saugrenue, mais les faits sont tristement réels. Il vous est peut-être arrivé d’être victime d’un poisson Napoléon venant « taper » avec insistance dans votre stab de plongée ? C’est ce que de nombreux plongeurs ont déjà reporté. L’explication est simple. Durant des années, il fût courant que des guides de plongée nourrissent des Napoléons avec des œufs durs sortis de leur poches de stab. Bien que les œufs de poule n’aient rien à faire dans la bouche d’un poisson, cette espèce les apprécie particulièrement. Il en résulte un changement de comportement total, avec des poissons qui ne se méfient plus de la présence humaine, et qui se retrouvent chassés bien plus facilement. Alors si vous voyez encore cette pratique lors d’une plongée, n’hésitez pas à la dénoncer !

Quelles sont les meilleures destinations pour voir le poisson Napoléon ?

L’espèce est présente dans plus d’une cinquantaine de pays bordant son aire de répartition. Mais si vous souhaitez faire de belles plongées en compagnie du poison Napoléon, les plus belles destinations sont la Mer Rouge, la Polynésie, les Maldives, ou encore aux Philippines. Avec sa nage lente, il est possible de le côtoyer durant de longues secondes, à conditions de ne pas faire de gestes brusques.

Je suis sûr que beaucoup d’entre vous avez eu de belles rencontres avec le Napoléon, alors n’hésitez pas à nous les raconter !

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6 commentaires

Gentil franck 17 décembre 2017 - 19:43

Bonjour et merci pour ce documentaire,
S’y je ne me trompe pas, le mode de reproduction du Napoleon semble assez proche de celui du Mérou? Ce dernier changeant de sexe également, non?

Quand a nourrir les poissons, que ce soit avec des œufs ou autre chose, cette pratique me révolte. Tous les animaux, qu’ils soient marins où terrestres, perdent rapidement leur instinct de prédateur. Si la pratique se généralise sur des générations annimals alors se sont des espèces qui disparaissent parce qu’elles perdent leur identité propre avant de perdre leur propre vie… Le plongeur ne devrait-il pas s’effacer, comme un observateur invisible, dans un milieux qui n’est pas le sien au départ?

Reply
Anthony LEYDET... Plongeur bio 30 décembre 2017 - 15:01

Bonjour @gentil-franck !
En effet, il y a beaucoup de poissons qui ont la faculté de changer de sexe au cours de leur vie. Le mérou est un bon exemple !
Je suis d’accord également sur l’impact de l’homme sur les espèces… Ma conviction quand je fais de la photo sous-marine est d’être un témoin… Pas un acteur !

Reply
Marc Thiercelin 3 octobre 2018 - 13:58

J’adore nager avec un Napoléon ! Mon plus beau souvenir est à Komodo, où j’ai pu en filmer un – accompagné d’une belle carangue – de longues minutes le long d’un splendide récif, dans une lumière magnifique. Mais il ne se laissait pas approcher, son œil constamment aux aguets !

Reply
Anthony LEYDET... Plongeur bio 3 octobre 2018 - 14:00

Ils sont superbes ! J’ai vu la même scène en Mer Rouge… un petite carangue blessée sur le flan nageait collée au Napoléon !

Reply
Marc Thiercelin 3 octobre 2018 - 13:59

Merci Anthony pour tous ces articles passionnants, et ces photos magnifiques !

Reply
Anthony LEYDET... Plongeur bio 3 octobre 2018 - 14:02

@marc-thiercelin C’est un plaisir de faire plaisir à mes lecteurs ! Merci d’être là :)

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