Photo sous-marine: les flashs dérangent t-ils les poissons ?

par Anthony LEYDET... Plongeur bio
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Les flashs dérangent t-ils les poissons ?

Lorsque l’on est plongeur et photographe sous-marin respectueux des fonds marins, on a beau porter la plus grande attention à nos gestes lors des plongées et des prises de vue, on ne peut s’empêcher de se poser la question concernant l’impact du flash sur les poissons. Sont-ils perturbés par les éclairs ? Est-ce que cela modifie leurs comportements naturels ? C’est un sujet qui me tient à cœur depuis longtemps, mais en l’absence d’étude scientifique, difficile d’être objectif… Et bien, un biologiste marin belge vient de publier l’article final de son travail de thèse dont le sujet porte sur « les effets comportementaux et pathomorphologiques de la photographie avec flash sur les poissons benthiques ». Il y a de quoi être rassuré mais attention, il y a quelques règles à respecter !

Maarten De Brauwer est biologiste marin, instructeur de plongée, et chercheur à l’Université de Perth en Australie. Ses recherches portent essentiellement sur des espèces de poissons rares et camouflées, telles que les poissons crapauds (frogfish), ou encore les poissons fantômes (ghostpipe fish). Photographe sous-marin, il vient de conduire une étude visant à démontrer l’impact que peux avoir la photo sous-marine sur les poissons, et en particulier l’utilisation du flash.

Photo sous-marine : le flash dérange t-il les poissons ?
Photo sous-marine : le flash dérange t-il les poissons ?

Photographie sous-marine: quel impact sur les poissons ?

Il s’agit de la première étude scientifique s’intéressant aux impacts à la fois comportementaux et pathomorphologiques en lien avec le comportement des plongeurs et l’utilisation de flashs sur les animaux. Le choix s’est porté sur des espèces charismatiques auprès des plongeurs et des photographes comme les hippocampes et les frogfishes. Ce sont des poissons qui vivent bien camouflés dans leur environnement et qui nagent peu et lentement. Ils sont donc peu enclins à fuir devant le plongeur.

De manière résumée, l’étude de terrain a été mené à Dauin aux Philippines, où j’ai eu l’occasion de plonger il y a quelques années. 13 espèces ont été « utilisées » selon différents critères : présence d’un plongeur photographe dans l’environnement proche, d’un plongeur photographe utilisant le flash ou d’un plongeur photographe utilisant le flash et manipulant l’animal.

La deuxième partie de l’étude a été opérée en laboratoire. Des hippocampes prélevés dans leur milieu naturel (puis replacés à la suite des tests) ont été soumis en aquarium, dans des conditions reproduisant idéalement leur milieu naturel, à des flashs à répétition. Ceci dans le but de comparer les effets indépendamment de la présence du plongeur. Les hippocampes ont subi la lumières des flashs d’intensité maximale afin de simuler le pire des scénarios. L’espèce choisie, Hippocampus subelongatus est endémique en Australie de l’Ouest et relativement abondante.

Afin de contrôler les effets pathomorphologiques (c’est à dire les dommages anatomiques) des flashs sur les yeux des hippocampes du test, un échantillons de 10 individus ont été euthanasiés pour analyse microscopique.

Conclusions de l’étude : les flashs dérangent-ils les poissons ?

L’étude conclue que les effets du flash seul lors des prises de vue sont négligeables et que l’impact n’est pas plus important que celui induit par la simple présence humaine à proximité de l’animal. Les flashs à répétition sur chaque individus de l’échantillon n’ont pas causé de modification dans l’anatomie de l’œil et de la rétine. Et de ce fait, aucun changement n’a été constaté quant au succès de l’alimentation des poissons.

les manipulations d’animaux durant les prises de vue, avec ou sans flash, engendrent de très fortes perturbations et doivent être prohibées

Cependant, cette étude met en évidence que les manipulations d’animaux durant les prises de vue, avec ou sans flash, engendrent de très fortes perturbations et doivent être prohibées. Cette manipulation, notamment sur des sites de plongée très fréquentés peuvent causer des stress chroniques, augmenter les dépenses énergétiques en cas de fuite, et ainsi dégrader la santé des animaux photographiés.

On le dit souvent, mais il est important de le répéter. Manipuler un animal pour obtenir une photo plus belle et plus esthétique n’est pas éthique ! C’est malheureusement une pratique très répandue chez les photographes sous-marins. En d’autres termes, regardons sans toucher, et flashons sans modération…

Retrouvez la publication scientifique complète pour (beaucoup) plus de détails !

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